J’aimerais pouvoir arrêter de penser à Jason Banks.
J’étais tout en haut, à l’endroit où je méditais, pour apaiser mon esprit, mais c’était le visage de Jason qui apparaissait très clairement dans mon esprit. Le fait que monter jusqu’en haut de la colline ait été incroyablement épuisant ne m’avait pas aidé. Avant, j’arrivais à courir jusqu’au sommet en quelques minutes, mais puisque j’avais la jambe dans le plâtre, il m’avait fallu une bonne demi-heure pour arriver jusqu’ici.
Je sortis un bol et servis de l’eau à Cap, puis je pris une autre bouteille pour moi avant d’étirer mes muscles réchauffés, tout en grimaçant de douleur. J’aurais aimé que mon plâtre, qui partait du milieu de la cuisse, disparaisse, et ne pas m’inquiéter à l’idée de savoir où était Jason, ni ce que diable il faisait.
J’avais vu quelque chose en lui, je pensais qu’il pouvait faire mieux que d’être simplement un mauvais garçon. Tout ce que je voulais, maintenant, c’était le trouver.
— Tu es un idiot, me dis-je.
Cap s’assit à côté de moi et donna un petit coup de museau dans ma jambe valide. Il leva les yeux vers moi, attendant, pensant peut-être que c’était à lui que je m’adressais. Donc je le grattai derrière les oreilles et tentai de me détendre.
De là où j’étais, je pouvais voir l’eau scintillante de notre piscine, ainsi que Gina faire son yoga dans le jardin. Ce qui me rappela que je devais me venger d’Eric pour le gratin de thon qui ne célébrait même pas un jour spécial, et je mis cela de côté pour plus tard. Étant donné qu’il passait autant de temps loin de la maison, combattant certains des pires incendies que l’on avait vus depuis Paradise, il était difficile de caser ça. Mais dès qu’il serait de retour en sécurité à la maison, je m’en chargerais. Je ne doutais pas qu’il rentrerait à la maison, sain et sauf, parce que l’optimisme aidait, et il était hors de question que je sois obnubilé par ce qui pouvait lui arriver.
Je voyais la route principale qui serpentait dans le canyon où j’habitais, et ma maison avait l’air bien plus petite d’ici, mais l’eau de la piscine était toujours visible et ce fut sur elle que je me concentrai pendant un moment, avant de me baisser pour m’asseoir sur la minuscule couverture que je prenais toujours avec moi dans mon sac à dos. Je me concentrai ensuite sur ma famille et mes amis, et pire que tout, sur les feux californiens qui avaient une nouvelle fois emmené Eric loin de nous.
Il n’y avait aucune trace de fumée à l’horizon, depuis les feux qui faisaient rage à San Bernardino à un peu plus de cent cinquante kilomètres, mais ça ne signifiait pas que je pouvais ignorer leur présence. J’envoyai une rapide prière à Eric, sachant qu’il était dans les collines à se battre contre ce monstre détruisant des villes. Il était parti depuis quatre jours maintenant. Je savais que je n’allais pas le voir souvent dans les prochaines semaines, puisque tout le monde était sur le pont, et je m’inquiétais pour lui chaque jour, chaque heure, maintenant que je n’avais même pas le travail pour me distraire.
Cap s’allongea à côté de moi, sa truffe sur ses pattes, haletant doucement, et c’était ainsi que cela se passait quand nous allions courir, même si je titubais maladroitement maintenant, Cap connaissait parfaitement la routine. S’arrêter, boire, réfléchir. Et pour moi, prier.
Je murmurai les mots que j’avais mémorisés quand j’étais enfant dans ma nouvelle maison et qui semblaient familiers sur ma langue, m’aidant à réfléchir à la raison pour laquelle j’étais venu ici.
Aujourd’hui, j’avais peur pour Eric, mais ce n’était pas seulement ça. Trop de démons me hantaient pour que la sécurité de mon ami soit la seule chose pour laquelle je prie.
Pour la première fois depuis longtemps, je n’avais personne à qui raconter ce que j’avais vu pendant mon service. Eric était au travail en ce moment, mais de toute façon, il passait de plus en plus de temps chez Brady, surtout depuis qu’ils s’étaient fiancés quelques semaines plus tôt. Quant à Sean, il faisait de longues heures au boulot et, de toute façon, il avait Ash et Mia dans sa vie. Tous les trois, nous nous retrouvions parfois quand nous en avions le plus besoin, mais le mois dernier, pour une raison ou une autre, nous ne nous étions pas vus tous ensemble. Puis je m’étais cassé la jambe et je me disais que les mecs penseraient que je n’avais pas besoin d’eux en ce moment.
Je pouvais raconter les cauchemars qui me trottaient dans la tête à Dieu. C’était ainsi que je faisais, mais jusqu’à maintenant, j’avais gardé ma colère pour moi. Ce matin, je consacrais chacune de mes pensées à Eric, en train de combattre l’incendie. Garder la douleur dans mon cœur sans en parler était facile à faire. Je me disais que Dieu pouvait le voir dans mon âme, mais pourquoi voudrait-il regarder la mienne ? Je l’ignorais. Je n’avais rien de spécial. J’étais juste un gamin brisé à qui on avait donné une deuxième chance magnifique, mais qui n’arrivait pas à oublier où sa vie avait commencé.
Puis le visage de Jason apparut à nouveau dans mes pensées. L’ancien prisonnier qui avait sauvé la vie d’Eric avait été libéré de prison et avait disparu de mon radar. Je n’aimais pas ça du tout.
— Où es-tu allé ? demandai-je au ciel.
Mais je n’obtins aucune réponse.
Cap roula sur le dos, s’éloignant de ma main et haletant. Le soleil était plus haut dans le ciel maintenant, et l’ombre des arbres diminuait.
Il savait qu’il était l’heure d’y aller et je savais qu’il était l’heure d’y aller. Donc, même si je ne me sentais pas vraiment mieux, mentalement parlant, qu’avant ma prière, je tâtonnai pour me lever, m’équilibrant maladroitement sur la béquille et ma jambe valide. Je récupérai le bol, les bouteilles d’eau et la couverture, jetant le tout dans mon sac à dos, puis restant debout et silencieux pendant un moment. Avec la vue de La Jolla devant moi, l’amour que j’éprouvais pour ma famille et mes amis… J’étais heureux et je décidai d’ajouter une dernière partie à ma prière.
— S’il vous plaît, gardez ma famille et mes amis en sécurité, chuchotai-je. Amen.
Après une petite pause, Cap et moi repartîmes vers la maison, lui se précipitant sur le chemin, disparaissant dans la colline avant de revenir vers moi avec un bâton si gros qu’il lui faisait perdre son équilibre. J’évitai de justesse d’être renversé, mais je réussis à échanger son bâton pour le Frisbee qu’il adorait. Il dansa autour de moi jusqu’à ce que je le lance, aboyant joyeusement.
Répondre aux appels de mes frères et sœurs pendant ma promenade du matin était devenu une habitude, apparemment. J’ignorais pourquoi ils avaient une telle synchronisation, mais je soupçonnais qu’ils aient pu mettre un traceur sur moi, quelque chose dans le genre. Dès que je mettais la laisse sur le collier de Cap et me dirigeais vers la colline, ils appelaient. C’était plus facile de les ignorer quand je courais sur le parcours que j’avais créé, mais maintenant que j’utilisais des béquilles et que je marchais, je ne pouvais même pas utiliser cette excuse.
— Quoi encore ? répondis-je affectueusement.
Les appels ne me dérangeaient pas, je faisais seulement comme si c’était le cas. C’était un truc habituel entre frères et sœurs.
— Ce n’est pas une façon de répondre au téléphone, Tortue.
— Va te faire foutre, Hippo.
Mon petit frère ricana. En changeant mon nom tel qu’il était, c’est-à-dire Leo, et en m’appelant Leonardo, il avait fini par faire une référence aux Tortues Ninjas, ce qui l’avait poussé à ne m’appeler que Tortue, maintenant. Cela avait été sa façon de se fondre dans la masse quand nos parents l’avaient ramené à la maison, la première fois.
Malheureusement, c’était resté, même si j’étais adulte, maintenant. Reid était flic, comme moi, et il avait une femme ainsi que deux enfants. Hippo était le diminutif pour hippopotame, moi j’étais une tortue, et voilà. Nous étions devenus Hippo et Tortue. Il s’agissait de surnoms affectueux que j’adorais. Seulement, je ne lui disais jamais puisqu’il l’utiliserait sournoisement à son avantage. Les quatre enfants Byrne avaient un surnom stupide qu’ils portaient avec fierté : Hippo, Tortue, Jax et Solitaire. Quand on les utilisait, les personnes en dehors de notre cercle familial étaient souvent perplexes.
— Comment va ta jambe ? Toujours cassée ?
Il rit de sa propre plaisanterie.
— Ça fait deux semaines, donc ouais, elle est toujours cassée, merci.
Cette fracture était le cadeau d’un criminel qui avait décidé que grimper sur un mur était une bonne façon d’échapper à mon collègue. J’avais donc dû suivre ce mec sur le toit et j’étais tombé. Une fracture au tibia plus tard, je devais porter un plâtre qui partait du milieu de ma cuisse et qui me démangeait comme jamais. J’étais obligé de me mettre en arrêt maladie et on m’interdisait de revenir pour faire de la paperasse. Salauds.
— Aïe, s’exclama Reid pour essayer de montrer sa sympathie.
Néanmoins, même s’il était mon frère et que je savais qu’il tenait à moi, il voulait clairement me parler d’autre chose.
— Je voulais te tenir au courant : je vais peindre la chambre de Mama.
— D’accord, et ?
— Elle veut que ce soit fait et j’ai besoin qu’elle garde les enfants pour le long week-end du Nouvel An.
— Elle les garderait dans tous les cas.
— Je prépare juste le terrain et je voulais que tu le saches au cas où Jax t’en parlerait.
Je ricanai. Mama comprendrait clairement pourquoi il lui proposait de peindre la chambre et pourquoi Jax voudrait m’en parler.
— Attends, je croyais qu’on était d’accord : c’est Jax le peintre en chef de la maison de Mama ?
Reid laissa échapper un rire moqueur.
— Il est occupé. À faire je ne sais quoi.
— Il s’occupe probablement de son entreprise de rénovations et la rend encore plus prospère qu’elle ne l’est déjà ? déclarai-je impassiblement.
— Peu importe, c’est un crétin.
— Tu es juste énervé parce que Toronto a battu les Clippers, le week-end dernier.
Jax et Reid étaient un conflit, juste une petite rivalité entre frères, à cause d’équipes de basket et je ne voulais pas être impliqué là-dedans puisque j’étais plus un fan de hockey.
— Quel genre de salaud soutient une équipe canadienne quand on en a une parfaite non loin de là où l’on habite ?
— Tu oublies que Jax est canadien, lui rappelai-je pour ce qui était sûrement la centième fois.
— Peu importe, à plus tard.
— À plus tard.
Dès que j’arrivai chez moi, je commençai à maudire ma jambe et la vie en général. Je remplis le bol d’eau de Cap et il s’allongea à l’ombre, près de la climatisation. Puis je partis prendre une douche, ce qui était déjà assez difficile, avec tout ce que je devais envelopper dans du plastique et l’équilibre que je devais essayer de garder.
Sean m’avait dit de ne pas faire trop d’efforts, mais je serais maudit si je restais assis à ne rien faire, donc après la douche je me demandai ce que je pouvais accomplir ensuite. Du jardinage ? Des courses de Noël… étant donné qu’on se rapprochait du grand jour ? Jusqu’à maintenant, j’avais rempli mes journées en cherchant Jason, en pensant à ce qu’il faisait, à me demander comment je pouvais l’aider, à réfléchir au baiser que nous avions partagé et à la façon dont je l’avais repoussé.
Ouais, rien de tout ça ne quitterait mon esprit puisque j’avais trop de temps à tuer.
Un café à la main, dans ma cuisine fraîche, je regardai fixement par la fenêtre la vue qu’offrait l’avant de ma maison, devant la cour pavée jusqu’à la maison d’à côté où Sean avait emménagé lorsqu’il avait épousé Asher.
J’aurais aimé pouvoir chasser cette sensation de mécontentement qui s’agrippait à moi lorsque je m’appuyai sur le plan de travail, tout seul dans cette grande maison. J’aimerais pouvoir aller rendre visite à mes voisins. J’avais ce besoin désespéré d’emmener Mia au parc. Cela m’aidait toujours quand la mélancolie de la solitude me saisissait, mais je savais que Sean, Asher et Mia ne seraient pas de retour avant une heure ou deux, puisqu’ils avaient un rendez-vous à Los Angeles pour adopter un enfant, donc mon idée s’envolait. Ils offriraient une si bonne maison à un enfant dans le besoin, ou à des enfants, et j’avais déjà accompli ma mission, écrivant une lettre sur le genre d’hommes qu’ils étaient. Maintenant, je devais rester à l’écart le temps qu’ils effectuent le processus.
J’étais un homme d’action, celui qui organisait, qui persuadait les autres, qui trouvait des solutions. Donc rester là à ne rien faire alors qu’une adoption était potentiellement en jeu me tuait. Sans parler du fait que mon autre ami était en train de combattre des incendies qui devenaient tout simplement hors de contrôle.
Un colibri voleta près de ma fenêtre et je laissai échapper un soupir attendri quand il plana au-dessus d’un buisson, repartant en arrière de temps en temps, puis allant vers la porte d’à côté. Je suivis sa trajectoire et ne pus m’empêcher de sourire. Il y avait quelque chose chez les minuscules oiseaux qui me fascinaient et exaspéraient Cap. Il n’en avait toujours attrapé aucun et il ne le ferait jamais puisqu’ils étaient trop rapides, trop rusés et il ne gagnerait pas à ce jeu étant donné que pour lui, se cacher derrière un buisson était un camouflage suffisant pour ne pas être vu. Petit chien idiot.
Un éclat de couleur attira mon attention, du rouge écarlate contre le bois du porche d’Ash. Je me penchai maladroitement au-dessus de l’évier pour avoir une meilleure vue. Il y avait du mouvement, quelqu’un qui se tenait là, et pendant une seconde je crus que c’était Ash donc je me sentis plus léger. Ils étaient de retour à la maison ! Je pouvais leur rendre visite et rendre ma journée solitaire et pitoyable bien meilleure avec un câlin de la part de Mia. Même si elle m’appelait Zo, ce qui était la faute d’Eric, ce salaud. La silhouette bougea à nouveau et je ne pouvais pas vraiment voir, mais je savais que ça ne pouvait pas être mes amis ni Mia, ou quiconque de ma connaissance. Peut-être que c’était un voisin ? Étais-je prêt à supporter la possibilité d’un gratin au thon livré de façon impromptue par Gina-la-cougar-vampire juste pour voir quelqu’un aujourd’hui ?
Oh que oui ! C’était une humaine et quelqu’un qui voudrait bien me parler.
— Tu veux faire une autre balade ? demandai-je à Cap.
Il alla directement vers la porte, donnant un coup de museau dans la laisse pendue dans l’entrée. Il ferait une centaine de promenades par jour s’il le pouvait. Je l’attachai à son collier, attrapai mes clés ainsi que ma béquille et sortis, traversant directement ma cour pour aller chez Ash et Sean.
Je voyais un homme, aux épaules larges, portant un jean et un t-shirt d’un rouge éclatant. D’après la vue que j’avais de lui de profil, je voyais qu’il portait quelque chose de lourd.
— Je peux vous aider ? demandai-je.
Il se retourna pour me faire face. Je le reconnus immédiatement, le même homme qui m’obsédait encore et encore depuis mon accident et que j’essayais de retrouver. Ce foutu Jason Banks.
— Jason ?
Il se tenait devant moi, un enfant dans les bras. Il avait une barbe hirsute, du sang coulait depuis une coupure sur sa lèvre, son œil gauche était gonflé et son t-shirt, déchiré. Il ne bougeait pas, ses yeux bleus étaient écarquillés, me fixant comme si j’allais l’arrêter. Bon sang, il était dans un sale état et désespéré. J’avais vu cet air bien trop de fois pour l’ignorer.
— Jason ? répétai-je puisqu’il ne répondit pas.
Il se retourna brusquement pour me regarder fixement avec ses yeux las. Mes années d’entraînement prirent le dessus et je fis attention de ne pas trop me rapprocher puisque j’avais vu ce genre de peur, avec les yeux écarquillés et confus auparavant. Jason était exténué et il serrait fort cette petite fille, prêt à s’enfuir.
— Aide-nous, s’il te plaît.
14 février
Promesse
Leo Byrne est flic, Jason Banks est un ancien détenu. Même après un baiser volé, un déclic doit se produire pour que Leo puisse convaincre Jason que tomber amoureux est une option envisageable.
Adopté à un jeune âge, Leo fait partie de la grande famille des Byrne. Avec son chien Cap, ses trois frères et sœurs ainsi que tout un tas de nièces et de neveux, il n’est jamais seul et sa vie est bien remplie. L’amour est le dernier élément sur sa liste de choses à faire, mais voir ses meilleurs amis Sean et Eric heureux, créant de nouvelles familles, lui donne envie de choses qu’il n’aurait cru possible. Embrasser Jason lors d’un événement organisé pour honorer son courage, c’est un début, mais le reste dépasse les bornes. Jusqu’à ce que Jason n’ait plus personne vers qui se tourner. C’est Leo qui l’aide lorsqu’il se retrouve au plus bas. Emmener Jason et sa fille chez lui est une chose, mais tomber amoureux de l’ancien détenu en est une toute autre.
Jason a fait la promesse de garder sa fille en sécurité et il a fini derrière les barreaux pour ça. Se porter volontaire comme pompier détenu était sa meilleure façon d’aider la communauté et de rester sain d’esprit. Néanmoins, maintenant qu’il est sorti, il n’a même plus cette possibilité. Il a perdu son avenir, son respect de lui-même et n’a aucun ami ni aucun endroit à qualifier de foyer. Pire, même après avoir sauvé sa fille, il n’arrive toujours pas à la protéger de l’homme qui veut l’utiliser comme monnaie d’échange pour recevoir de l’argent. Rencontrer Leo offre une possibilité à Jason de garder Daisy en sécurité, mais tomber amoureux de ce flic têtu signifie que la vérité doit être révélée et il pourrait à nouveau tout perdre.
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